Dossier réalisé par A.A.Mahé / Crédit-photos : A.A.Mahé
Pour maintenir le niveau de compétence de ses cadres, améliorer leurs performances et offrir une qualité de service optimale, l’Etat envoyait ses fonctionnaires en formation à l’étranger et dépensait des sommes faramineuses chaque année. Afin de réduire ces dépenses et assurer à son personnel des formations administratives de qualité et mieux adaptées aux besoins du pays, la République de Djibouti a engagé une politique encourageant toute structure permettant de dispenser sur place les formations nécessaires. C’est à partir de 2018, que des efforts soutenus furent déployés au Ministère du Budget pour démontrer la faisabilité de cette idée lumineuse du Chef de l’Etat et qu’il était possible de la concrétiser. C’est ainsi que le Centre d’Application Financière a vu le jour et démontrer que le pays était en mesure de combler ses besoins dans le domaine de la formation professionnelle indispensable à l’ensemble du personnel des administrations financières du ministère et d’ailleurs Même si le lancement du CAF a été à ce jour une grande réussite, il doit être consolidé pour continuer d’assurer ses missions et relever les défis de développement du pays. Pour cela, il conviendrait que l’ensemble des Administrations publiques, et notamment ceux des entités financières et économiques, soient sensibilisées sur l’importance que revêt le Centre. Qu’ils évaluent toutes les mesures engagées par le gouvernement pour que sa création soit une réussite et qu’ils comprennent que ce Centre d’Application Financière si cher au Président de la République, doit fonctionner à plein temps pour qu’il puisse s’améliore et se développer son efficacité. Pour cela, il doit être utilisé, soutenu et aidé sans la moindre entrave.
Dès les premières années de l’accession du pays à l’indépendance, les pouvoirs publics djiboutiens ont pris conscience que la performance des administrations financières et de gouvernance économique passait obligatoirement par un renforcement soutenu des capacités de ses cadres. Pour permettre à tout le personnel de bénéficier des indispensables formations professionnelles, il fallait compter sur la bonne volonté d’institutions internationales et de certains pays amis qui avait bien voulu, à travers des accords de partenariat, assurer cette formation. Bien après la mise en place de l’INAP et l’ouverture de l’Université de Djibouti, la formation à l’étranger du personnel des administrations à gouvernance économique et financière perdura longtemps. Et, il n’est un secret pour personne que les contraintes budgétaires limitaient logiquement le nombre des bénéficiaires car, chaque stagiaire envoyé à l’étranger coûtait environ un million de nos francs, voire plus.
Puis un jour, une salve de questions s’est posée au plus haut niveau de l’Etat : serions-nous en mesure de créer un outil capable d’assurer sur place les formations désirées ? Avons-nous les capacités nécessaires pour concevoir des programmes pédagogiques de grande qualité et à la mesure de nos ambitions ? Possédons-nous suffisamment de cadres compétents qui seraient en mesure de dispenser des cours de haut niveau destinés à développer la capacité des ressources humaines dans les domaines stratégiques tels que les Douanes, les Impôts, le Trésor et l’Administration Financière ? Sommes-nous capables de rééditer l’exploit de l’INAP ? Pour répondre à ces questions de façon formelle, une enquête approfondie avait été réalisée et le résultat fut largement positif ! Alors le Président de la République, son Excellence Monsieur Ismaïl Omar Guelleh, demanda au Ministère du Budget, de réaliser une étude exposant la totale faisabilité du projet. Le haut fonctionnaire qui fut chargé de cette mission, s’appelait Moussa Robleh. Ce grand spécialiste qui avait fait toute sa carrière dans l’administration douanière, avant de finir conseiller technique du ministre, nous a quitté il y a tous juste un an, emporté par la hideuse pandémie du COVID-19.
En retraçant l’historique de ce projet, tous les cadres que nous avons rencontrés et son successeur, M. Abdoulrazak Khaireh Bouraleh, n’ont pas pu cacher leur émotion et s’empêcher de rendre un vibrant hommage à cet homme dont la bonté et le professionnalisme restent encore dans les esprits. Conscient des capacités financières de l’Etat, le regretté Moussa Robleh avait monté un projet séduisant, largement abordable et à bas coût. L’étude de faisabilité présentée ayant convaincu, c’est finalement le 7 Novembre 2018, que le Président de la République créa par décret le Centre d’Application Financière (CAF), définissant de façon claire les attributions, l’organisation et le fonctionnement du centre.
A ses débuts, le projet fut lancé en partenariat entre le Ministère du Budget et le Ministère du Travail et de la Réforme de l’Administration. C’est la raison pour laquelle, le nouveau centre fut logistiquement hébergé au sein de l’Institut Nationale de l’Administration Public. L’INAP était chargé d’assurer la formation de toute la partie concernant la gestion administrative et le management. Ce partenariat ne sera effectif que durant la formation de la 1ère Session (2019-2020). Les formations spécifiques aux métiers des administrations à vocation financière et économique, dites formations de spécialité revenant exclusivement au CAF.
Pour réussir cette mission, il a fallu concevoir et exécuter un programme de formation en adéquation avec les orientations des gouvernants sur la gestion des finances publiques et des départements à vocation économique. C’est-à-dire les Douanes, les Impôts, la Trésorerie Générale et les Finances Publiques. Représentant ainsi, les quatre filières de formations proposées par le Centre d’Application Financière. Avec un programme comprenant des cours théoriques et des stages pratiques. Le but étant de former les bénéficières de façon à ce qu’ils puissent acquérir les meilleures pratiques professionnelles ; mais aussi, les meilleures techniques de gestion administrative et financière. Pour qu’ils soient capables de maîtriser les méthodes de management nécessaires à l’exercice des emplois qu’ils seront amenés à exercer et des différentes missions qu’ils seront chargés d’exécuter au sein des administrations financières et économiques respectives. Etaient prévus également dans le programme de formation, des matières communes à l’ensemble des quatre filières. Ces cours portant sur des thèmes relatives au développement et management organisationnel des services publics, des ressources humaines, de la gestion administrative et financière. Ce programme de formation dispensant des cours d’initiation, d’approfondissement et d’appropriation des notions de gestion publique et des ses outils. Avec ses lots de travaux, d’exercices et de synthèses. Après avoir mis en place un solide programme de formation, il a fallu ensuite identifier et sélectionner les cadres qui seraient chargés de la formation.
Cette procédure s’est déroulée :
1- Par appel à candidature lancé à travers les médias
Les différents communiqués eurent rapidement l’effet escompté et un nombre important de candidats répondit à l’appel. Un jury, composé de cadres de l’INAP et du Ministère du Budget, a été mis sur pied pour cet évènement afin de sélectionner les candidats potentiels remplissant toutes les conditions affichées et répondant aux critères exigés. Après avoir eu un entretien approfondi, le jury a pu retenir une trentaine de candidats qui vont constituer la colonne vertébrale d’une partie du corps professoral du CAF.
2- Par volontariat au sein du Ministre du Budget
Après une action de sensibilisation en interne, lancée par le Ministre du Budget, demandant aux hauts cadres répondant aux critères de se porter volontaire pour enseigner au CAF, une liste de volontaires a été établie pour constituer la deuxième vague de formateurs.
3- Par désignation parmi les cadres des administrations financières
Sur ordre du Ministre de tutelle, les responsables des différentes administrations financières ont été désignés, parmi les plus expérimentés des hauts cadres du Ministère.
Une fois les formateurs sélectionnés, il a été indispensable d’organiser des séminaires sur les techniques pédagogiques pour leur permettre d’assurer au mieux les formations qu’ils seront amenés à dispenser.
Dans cette optique, deux experts dépêchés par l’ENA de Côte d’Ivoire avaient animé des ateliers pour transmettre les différentes approches et techniques couramment utilisées au niveau des institutions de formation pour renforcer les capacités des formateurs ; la méthodologie pédagogique et techniques de la formation ; d’analyser les besoins en vue de concevoir un plan de formation ; de fournir des notions de base sur l’animation et le travail en équipe ; de familiariser les futurs formateurs aux outils et méthodes dédiées à la formation professionnelle ; de leur apprendre la technique d’évaluation de la qualité de l’enseignement dispensé et d’introduire les notions de base sur le leadership indispensable à la transmission du savoir-faire et sur la déontologie de l’exercice du métier de formateur.
Les grands corps de l’Etat qui ont fournit le personnel retenu pour assurer les tâches de formateurs sont issus de :
– L’Université de Djibouti
– L’Inspection Générale d’Etat
– L’Inspection des Finances
– La Banque Centrale
Les différentes administrations financières (Douanes, Impôt, Trésor, Finances publiques :
– L’Inspection du Travail et des Lois sociales
Selon l’article 47 du décret portant création du CAF, tous les cadres retenus pour enseigner au CAF doivent exercer cette fonction sous le régime de la vacation.
Le CAF a été créé pour assurer la formation professionnelle du personnel, de toutes catégories, des administrations financières et économiques. Principalement, les agents de catégorie A, destinés à tenir des postes de conception, de contrôle et de conduite de la politique publique liée à la gouvernance économique et financière ; des agents de catégorie B, formés pour assumer des postes de responsabilité de niveau intermédiaire au sein des administrations financières et économiques ; des agents de catégorie C, formés pour remplir des tâches d’exécution au sein des administrations financières et économiques ; et enfin, des agents de toutes catégories des administrations financières et économiques.
Conditions d’admission au stage et modules de formation
L’accès aux cycles de formation dispensée au Centre d’Application Financière s’est effectué par voie de test d’admission pour les agents nouvellement recrutés ; et par voie de concours aux agents issus des administrations financières voulant intégrer un cadre supérieur. Un arrêté ministériel détermine l’organisation des tests et des concours d’admission au CAF. Le programme de formation quant-à lui, s’articule autour de modules d’initiation, d’approfondissement et d’appropriation des concepts et outils propre à la gestion publique.
Chacun des modules comprenant une conférence de cadrage, des travaux en petits groupes, des exercices individuels et des travaux de synthèse générale. Les formations sont organisées suivant des méthodes transmettant le comportement professionnel et les pratiques qui préparent les élèves à leurs futurs métiers dans le respect des règles de déontologie et d’éthique. Les travaux sur dossiers, les études de cas, les simulations et les jeux de rôle sont privilégiés pendant la formation pour une meilleure acquisition des compétences. Le contenu des enseignements et le choix des méthodes pédagogiques sont déterminés en fonction des niveaux et des vocations spécifiques auxquels préparent les différents cycles. Outre les enseignements de généralités cités plus haut, des enseignements de spécialités sont également dispensés en fonction des filières.
L’apprentissage des modules d’enseignement général, qui était assuré en partenariat avec l’Institut National d’Administration Publique (INAP), au cours de la première session, est aujourd’hui assuré par le CAF. Il est complété, pour chacun des cycles correspondant aux grades de l’Administration, par une période de formation de spécialité en fonction des filières de destination des élèves.
Les stages pratiques
Certaines matières spécifiques de la scolarité sont accompagnés de périodes de stage pratique destinées à compléter la formation théorique et à l’enrichir. Ces stages ont pour objet de placer les élèves en situation de collaborateur des maîtres de stage qui sont à même de guider leurs formations et d’évaluer leurs connaissances techniques et leurs aptitudes à exercer les emplois et fonctions auxquels ils seront destinés. Le contenu des stages pratiques mettra un accent particulier sur l’apprentissage des méthodes de travail, des comportements et attitudes adaptés à l’emploi futur des élèves. Il vise l’acquisition des connaissances, le développement d’habiletés et l’intériorisation des valeurs de gestion publique. Ce stage est l’occasion pour les élèves de poser et de discuter une question, de la mettre en lien avec les apports théoriques reçus au cours de la scolarité et d’en tirer une conclusion innovante. Les lieux de stage sont définis chaque année par la Direction de l’Ecole. C’est sur décision du Directeur du Centre, que les élèves sont affectés en stage pratique pour des apprentissages spécifiques.
L’affectation en stage des élèves est accompagnée d’un document de cadrage indiquant les objectifs recherchés par l’Ecole ainsi que les critères d’évaluation des stagiaires. Durant ces stages, les élèves sont placés sous l’autorité des chefs de service et des dirigeants d’entreprises ou d’organismes auprès desquels, ils accomplissent leurs stages. Chacun des modules comporte une période consacrée aux évaluations des enseignements et des stages pratiques.
Les évaluations des enseignements se composent de contrôles continus tout au long de la formation et d’un examen de fin d’année comprenant des épreuves de synthèse et une épreuve orale. Chacun des stages pratiques des modules donne lieu à la rédaction d’un rapport ou d’un mémoire qui est remis au Service des stages, à une date prévue dans chaque programme.
A la fin de la scolarité, le calcul des moyennes est réalisé. Ensuite, un classement des élèves par ordre de mérite est effectué et . Ce classement faisant l’objet d’une note de service signée par le Directeur du Centre. Pour rendre hommage aux différents ministres des finances qui se sont succédés depuis le premier gouvernement formé après l’indépendance, chaque promotion aura l’honneur de porter le nom d’un ancien ministre en suivant la chronologie de leur exercice. Ainsi, la promotion de la 1ère Session, porta le nom du regretté Idriss Harbi. Tous les yeux étaient braqués sur la formation de cette promotion. L’avenir même de ce nouveau centre dépendait de son résultat. Et, grâce à Dieu, ce fut une véritable réussite. Le programme de formation était de haut niveau et les formateurs à la hauteur de toutes les attentes.
A L’issue des épreuves de contrôle et des examens, 42 stagiaires avaient atteint ou dépassé la moyenne requise pour décrocher le diplôme et être de la fête au cours de la cérémonie prévue cet effet.
Dans la foulée, le CAF organisa son deuxième cycle de formation, Session 2020-2021 dont la promotion porta le nom du non moins regretté Abdoulkader Wabéri Askar. Cette formation était destinée exclusivement aux cadres de catégorie A, avec pour condition d’admission : un diplôme universitaire. Autre particularité de cette session, la formation se déroula entièrement à l’Institut des Etudes Diplomatique qui mit toute sa logistique à la disposition du CAF.
L’environnement étant plus moderne, mieux équipé et donc mieux adapté aux besoins de la formation, la qualité des cours dispensés fut encore plus élevée. La Promotion Abdoulakader Waberi Askar a clôturé son année de formation par les différentes épreuves de contrôle et d’examens qui ont prit fin au mois de janvier 2022. Aujourd’hui, les stagiaires n’attendent plus que la cérémonie de remise des diplômes pour cueillir enfin, le fruit de leurs efforts.